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LE
VOYAGE
DES IVSTES EN
ITALIE ET AVTRES
LIEVX.
OV Diable allez-vous nos Iustes,
Iustes de nom, d’effet iniustes,
De laisser sans secours vn peuple desolé:
Il ne faut pas courir si vitte
Pour arriuer à Rome au giste,
Si vous n’auez dessein que d’estre au Iubilé.
Si l’on vous met en phantaisie
Qu’ayant suruescu l’heresie,
Rome en attend de vous la satisfaction,
Rejettez ces fausses alarmes,
Car n’estant que sang & que l’armes
Pourroient-elles augmenter vostre punition,
Quoy ! pas vn de vous ne m’écoute,
Et suiuant tousiours vostre route
Tout commerce entre vous sera donc interdit,
N’est-ce point qu’estans pieces rondes,
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Vous cherchez ainsi vagabonds
Vn lieu où vous sçauez qu’ils sont en credit.
Non, non, vous n’estes point capables
de sentiments delectables,
Mais gardez-vous aussi d’vn acte indecent,
Et que desmentant vostre titre
Au pays où regne la mytre :
Les Iustes à la fin ne perdent l’innocent.
Adieu, ie n’ay plus d’esperance
De vous reuoir iamais en france,
Voulans vous retenir, soudain vous écoulez,
Vous passez les Monts & Marseille,
Et ie pense qu’à la pareille
Vous qu’on vient de voler, à present vous volez.
I’entends desia que l’Italie
Se mocque de nostre folie,
Et fait l’estonnement mille signes de croix :
Nommant la France ridicule
De laisser prendre par vn Iule
Tant de medailles d’or de ses augustes Rois.
D’ailleurs elle se formalise,
Qu’estant au pays de l’Eglise
Vous soyez pris au corps par des banquiers actifs,
Et la chose luy semble estrange
Qu’vn Cardinal vous mette au change ;
Car c’est liurer le Iuste une autre fois aux Iuifs.
Ie croy pourtant qu’vne partie
De vous est seulement partie,
Et que Iulle a d’aucuns donne part au gasteau,
Aussi dit-on qu’il se contente
3
D’auoir vingt mille escus de rente
Pour le gouuernement qu’à laisé Pontchasteau.
Il est vray que la médisance
Fait la guerre à son Eminence,
Et l’accuse de faire un enorme peché,
Disant qu’il vend les Bénéfices ;
Mais mal.gré les mauuais offices,
On sçait que s’il les vend, il en fait bon marché.
Toutesfois ses humeurs discrettes,
Le portent à tenir secrettes,
Les liberalitez qu’il depart aux humains,
Sa droite à sa gauche les cache,
Et la peur qu’il a qu’on le sache,
Empesche de les faire en quantité de mains.
Mas courage, si la disette
Du Iuste que l’on met en pochette,
Retranche nos repas, & nous fit aller nuds,
D’autres reuiennent à leurs place,
Qui reparent cette disgrace ;
Car Messieurs de la Cour nous sont tous reuenus.
FIN.
Ces fascheuses harpies,
Le grand Maistre & le Cardinal,
Apres auoir pris nos coppies,
Ont enleué l’Original.
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LE
VOYAGE
DES JUSTES EN
ITALIE ET AUTRES
LIEUX.
Où Diable allez-vous, nos Justes,
Justes de nom, en effet injustes,
De laisser sans secours un peuple désolé :
Il ne faut pas courir si vite
Pour arriver à Rome au gîte,
Si vous n’avez dessein que d’être au Jubilé.
Si l’on vous met en fantaisie ((sans doute au sens de : “si l’on vous laisse vous imaginer”, “si vous vous imaginez”))
Qu’ayant survécu à l’hérésie,
Rome en attend de vous la satisfaction,
Rejetez ces fausses alarmes,
Car n’étant que sang & que larmes
Elles pourraient augmenter votre punition,
Quoi ! pas un de vous ne m’écoute,
Et suivant toujours votre route
Tout commerce entre vous sera donc interdit,
N’est-ce point qu’étant pièces rondes,
2
Vous cherchez comme des vagabonds
Un lieu où vous savez qu’ils sont en crédit.
Non, non, vous n’êtes point capables
de sentiments délectables,
Mais gardez-vous aussi d’un acte indécent,
Et que démentant votre titre
Au pays où règne la mitre :
Les Justes à la fin ne perdent l’innocent.
Adieu, je n’ai plus d’espérance
De vous revoir jamais en France,
Voulant vous retenir, soudain vous écoulez,
Vous passez les Monts & Marseille,
Et je pense que de la même façon
Qu’on vient de vous voler, à présent vous volez.
J’entends déjà que l’Italie
Se moque de notre folie,
Et fait l’étonnement mille signes de croix :
Nommant la France ridicule
De laisser prendre par un Jule
Tant de médailles d’or de ses augustes Rois.
D’ailleurs elle se formalise,
Qu’étant au pays de l’Eglise
Vous soyez pris au corps par des banquiers actifs,
Et la chose lui semble étrange
Qu’un Cardinal vous mette au change ;
Car c’est livrer le Juste une autre fois aux Juifs.
Je crois pourtant qu’une partie
De vous est seulement partie,
Et que Julle a d’aucuns donne part au gâteau,
Aussi dit-on qu’il se contente
3
D’avoir vingt mille écus de rente
Pour le gouvernement qu’à laisé Pontchâteau. ((Probable double coquille pour “qu’a laissé” ; Pontchâteau est peut-être Charles de Cambout, Baron de Pont-Château, Marquis de Coislin, lieutenant général en Basse Bretagne (à vérifier).))
Il est vrai que la médisance
Fait la guerre à son Eminence,
Et l’accuse de faire un énorme péché,
Disant qu’il vend les Bénéfices ;
Mais malgré les mauvais offices,
On sait que s’il les vend, il en fait bon marché.
Toutefois ses humeurs discrètes,
Le portent à tenir secrètes,
Les libéralités qu’il départ aux humains,
Sa droite à sa gauche les cache,
Et la peur qu’il a qu’on le sache,
Empêche de les faire en quantité de mains.
Mas courage, si la disette
Du Juste que l’on met en pochette,
Retranche nos repas, & nous fit aller nu,
D’autres reviennent à leurs place,
Qui réparent cette disgrâce ;
Car Messieurs de la Cour nous sont tous revenus.
FIN.
Ces fâcheuses harpies,
Le grand Maître & le Cardinal,
Après avoir pris nos copies,
Ont enlevé l’Original.
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