par Takeshi Matsumura (Université de Tokyo)

Sous le titre de “Un vent de fronde s’est levé ce matin”, Hubert Carrier a publié des poésies de circonstance qu’on peut attribuer à Paul Scarron avec plus ou moins de certitude. ((Hubert Carrier (éd.), Paul Scarron, “Un vent de fronde s’est levé ce matin”. Poésies diverses attribuées à Paul Scarron (1610-1660), textes originaux, publiés avec notes et variantes, Paris, Champion, 2012, 145 pages.)) Les textes y sont présentés et annotés avec soin. On peut pourtant regretter qu’il se soit abstenu de republier les textes d’attribution certaine dont il parle dans le 1er chapitre. Pour ceux-ci, il faut retourner à l’édition procurée par Maurice Cauchie. ((Voir Maurice Cauchie (éd.), Paul Scarron, Poésies diverses, textes originaux, publiés avec notes et variantes, 2 tomes en 3 volumes, Paris, Nizet, 1947-1961. Les textes en question sont : – 1) La Mazarinade, t. 2, p. 15-34 ; – 2) Cent quatre vers contre ceux qui font passer leurs libelles diffamatoires sous le nom d’autruy, ibid., p. 35-39 ; – 3) Réflexions politiques et morales tant sur la France que sur l’Amérique, ibid., p. 47-54 ; – 4) Les Triolets de la Cour, t. 1, p. 419-432. Je reviendrai sur ces textes à la fin de l’article.))

Parmi les notes d’Hubert Carrier, il ne manque pas celles qui portent sur le vocabulaire. Cependant, ses observations étant surtout destinées à aider les lecteurs à comprendre tout de suite le texte et se contentant pour la plupart de citer le Dictionnaire de Furetière, ((Bien qu’Hubert Carrier se réfère laconiquement à Furetière sans d’autres précisions, il me semble s’agir du Dictionnaire universel d’Antoine Furetière de 1690.)) il n’est pas aisé de savoir quelle est la place que les mots expliqués occupent dans l’histoire du français. De plus, comme l’éditeur n’a pas donné de glossaire ni d’index des notes sur le vocabulaire, il est impossible pour un lexicographe pressé de retrouver facilement les occurrences dignes d’intérêt. Qui aurait en effet l’idée de chercher dans ce recueil les locutions verbales comme donner l’ergot à quelqu’un “déchirer quelqu’un”, se tenir en sa coque “rester à sa place, se tenir tranquille”, ou le sens d’ “idée saugrenue” que prend le substantif migraine ? ((Voir respectivement Hubert Carrier, op. cit., p. 103, vers 1-4 du Carême de Mazarin ou La Suite des Triolets (1651) : “Quoy que nous chante le Bigot / Que Jule est Prince de l’Eglise, / Je luy donneray de l’ergot, / Quoy que nous chante le Bigot.” ; – p. 83, vers 83-84 de la Réponse des vrais Frondeurs au faux Frondeur soi-disant désintéressé (1650) : “Tenez-vous donc en vostre coque, / Car on choque celuy qui choque.” ; – p. 84, vers 96-101 de la même Réponse : “Vostre personne si bien peinte / Autrefois par du Chastelet / Fait bien juger qu’un Chastelet / Qui n’est plus de vostre domaine / Est le sujet de la migraine / Qui vous porte à reigler l’Estat.” Comme le fait remarquer l’éditeur (p. 84, note 27), le substantif migraine signifie “idée saugrenue” aussi au vers 1339 du Livre III du Virgile travesti : “Quand vous aurez bien la migraine / De voir vostre course si vaine, […].” ; je cite ce texte d’après Jean Serroy (éd.), Scarron, Le Virgile travesti, Paris, Bordas, 1988, p. 272.)) Du reste, il va sans dire qu’une lecture attentive permet de relever plusieurs mots qui, bien que négligés dans l’annotation, méritent d’attirer notre attention. Le présent article se propose de pallier un peu cet état en examinant quelques mots remarquables.

Parmi ceux-ci, on peut relever plusieurs attestations précoces. Prenons comme exemple le substantif féminin badauderie ((Le mot n’est pas dans le Lexique de la langue des œuvres burlesques de Scarron de Leonard T. Richardson, Aix-en-Provence, 1930 ; il est absent aussi de la Base historique du vocabulaire français (ou BHVF), consultable sur internet : http://www.cnrtl.fr/definition/bhvf/.)) au sens d’ “ensemble de badauds, habitants de Paris”. Il se lit au vers 200 de la Lettre joviale à Monsieur le marquis de La Boulaie, datée de 1649. Voici le contexte :

Ainsi par vous s’est aguerrie
La fleur de la badauderie. ((Hubert Carrier, op. cit., p. 71.))

Hubert Carrier, qui explique le substantif masculin badaud qu’on lit au vers 198 de la même Lettre, ne dit rien sur la badauderie. Ce sens, qu’on trouve dans une mazarinade anonyme ((Voir le site internet des Recherches internationales sur les Mazarinades (http://www.mazarinades.org/) : M0_3727 (B_15_35), 1652 (?), p. 5 : “Premièrement, vous Président, / Dont la barbe eut tant d’ascendant / Sur la pauvre badauderie.”)) qui semble dater de 1652, n’est pourtant pas si banal. Il n’est pas enregistré par exemple dans l’article badauderie du Trésor de la langue française de Paul Imbs. ((Paris, CNRS et Gallimard, 1971-1994, 16 vol. ; consultable sur internet (http://atilf.atilf.fr/tlf.htm). On désignera ce dictionnaire par TLF.)) On le trouve certes dans la refonte de la lettre B du Französisches Etymologisches Wörterbuch de Walther von Wartburg. ((Basel etc., Zbinden etc., 1922-2002, 25 vol. ; ce dictionnaire qu’on désignera par FEW est consultable sur internet (https://apps.atilf.fr/lecteurFEW/index.php/site/index). La refonte de la lettre B (que je désigne par FEW 2) se trouve dans le site suivant : www.atilf.fr/FEW.)) Mais la page 59 de l’article batare du FEW 2 ne connaît ce sens que chez Alphonse Daudet qu’il cite ((Parce que le mot n’est ni dans Mary Burns, La langue d’Alphonse Daudet (Paris, Jouve, 1916) ni dans Ivan Pauli, Contribution à l’étude du vocabulaire d’Alphonse Daudet (Lund et Leipzig, Gleerup et Harrassowitz, 1921).)) d’après l’édition de 1988 du Grand Robert de la langue française. Le mot apparaît au moins dans deux romans d’Alphonse Daudet : Numa Roumestan (1881) ((“La longue palissade, qui ferme les constructions de l’Hôtel de Ville devant lesquelles leur voiture passait à l’instant, était couverte de cette réclame grossière, éclatante, qui stupéfiait même la badauderie parisienne.” (Roger Ripoll, éd., Œuvres, t. 3, Paris, Gallimard, 1994, Bibliothèque de la Pléiade, p. 155).)) et L’Immortel (1888). ((“Le bruit ayant couru qu’on verrait des actrices, des gens célèbres, de loin la badauderie parisienne mettait des noms sur des visages reconnus, se groupant et causant devant l’église.” (ibid., p. 762).)) Ainsi, l’attestation du substantif badauderie chez Scarron peut contribuer à améliorer le FEW 2.

La même Lettre joviale à Monsieur le marquis de La Boulaie de 1649 nous fournit au vers 190 une 1ère attestation du substantif masculin buffle au sens de “justaucorps de buffle”. Voici le contexte :

Ils tailladoient à tour de bras
Les cuirasses & buffles gras,
Les casaquins & et [sic] les casaques
Et des Reistres & des Polaques,
Cognant sur ces rustres minois
Comme corneilles sur des nois ; […]. ((Hubert Carrier, op. cit., p. 70.))

Le Lexique de Leonard T. Richardson ((Leonard T. Richardson, op. cit., p. 35.)) enregistre le mot buffle sans définition, mais dans son occurrence ((Citation qui correspond à Maurice Cauchie, op. cit., t. 1, p. 249, vers 84-87 : “Prendre l’Hannibal de Cartage / Qui lors, avec Boeufs & fagots, / Prit tous les Romains pour nigaux / Et leur sage Chef pour un Buffle”.)) le substantif ne semble pas avoir le sens qui nous occupe. Bien que le TLF, s.v. buffle cite ce sens, il ne dit rien sur son histoire. De son côté, la BHVF, s.v. buffle ignore ce sens. Quant au FEW 1, 580b, s.v. bubalu, il donne comme 1re date du sens le Dictionnaire françois de Pierre Richelet de 1680. On peut regretter que dans son édition, ((Hubert Carrier, op. cit., p. 70, note 27.)) Hubert Carrier ne fait que renvoyer à Furetière pour définir le mot sans rien dire sur son histoire et partant sans souligner le caractère précoce de notre occurrence.

Examinons ensuite la locution verbale faire de l’eau claire ((On ne la trouve pas dans le FEW 25, 64a, s.v. aqua.)) au sens de “ne pas réussir”. La BHVF, qui nous apprend qu’elle se lit dès 1609 et 1633, complète heureusement nos instruments de travail, parce que le FEW 2, 740a, s.v. clarus ne la connaît que depuis 1690, Furetière et qu’elle n’est pas répertoriée dans le TLF. On peut signaler que cette locution se lit plusieurs fois dans les œuvres de Scarron. Bien qu’Hubert Carrier n’en fasse mention, elle apparaît dans Le Virgile travesti également. Voici une liste chronologique des occurrences qu’on peut établir en complétant le Lexique de Richardson : ((Leonard T. Richardson, op. cit., p. 92-93.))

1) Le Virgile travesti, Livre I (1648), vers 2340. ((Voir Jean Serroy, op. cit., p. 132, vers 2336-2342 : “[…] Et j’appris de lui la naissance, / Et le progrès et la fin qu’eut / Une guerre, où tant que vécut / Hector, leur puissant adversaire, / Les Grecs ne firent que l’eau claire / Contre les valeureux Troyens, / Dont il me disait mille biens.”))
2) Ibid., Livre II (1648), vers 2188. ((Ibid., p. 208, vers 2186-2188 : “Notre Hector, qui gît au tombeau, / Dans une si fâcheuse affaire / N’eût fait que de l’eau toute claire.”))
3) Ibid., Livre III (1649), vers 1472. ((Ibid., p. 275, vers 1469-1472 : “[…] Autrement tous vos vains efforts / Vous lasseront l’âme et le corps, / Et sans elle, dans votre affaire, / Vous ne ferez que de l’eau claire.”))
4) A Monsieur Deslandes Payen. Epistre (1649), vers 86. ((Maurice Cauchie, op. cit., t. 1, p. 465, vers 85-86 : “O qu’il est vray, lors qu’on tasche à bien faire, / Que l’on ne fait que de l’eau toute claire !” C’est cette attestation que signale Hubert Carrier, op. cit., p. 81, note 9.))
5) Le Virgile travesti, Livre V (1650), vers 608. ((Jean Serroy, op. cit., p. 403, vers 607-610 : “La froide crainte de ne faire / En ramant que l’eau toute claire, / Fait qu’incessamment le coeur bat / Au matelot comme au forçat.”))
6) Ibid., Livre V (1650), vers 1572. ((Ibid., p. 428, vers 1566-1574 : “Quand on le voit ainsi tourner, / On se représente une place, / De qui le mur se peut ouvrir, / Et contre lequel l’adversaire, / Ne fait pourtant que de l’eau claire, / Et ne s’est, ayant bien tourné, / Que beaucoup de peine donné.”))
7) Réponse des vrais frondeurs au faux frondeur soi-disant désintéressé (1650), vers 44. ((Hubert Carrier, op. cit., p. 81-82, vers 41-49 : “N’en desplaise à vos petits Vers, / Comme les talens sont divers, / Que l’on excelle en une affaire / Et dans l’autre on fait de l’eau claire, / Le dessein de regler l’Estat / Vous fait passer pour un grand Fat / Et pour un petit Politique, / Et vostre fureur Poëtique / Fait des Vers de peu de valeur.”))
8) Le Virgile travesti, Livre VI (1651), vers 1988. ((Jean Serroy, op. cit., p. 525, vers 1987-1990 : “Les Dieux du ciel auraient beau faire, / Ils n’y feraient que de l’eau claire, / Quand bien la charge ils doubleraient / Aux tonnerres qu’ils tireraient.”))

Toutes ces attestations antidatent, comme on l’a vu, le FEW. Il est dommage que dans sa note 9 de la page 81, Hubert Carrier n’ait pas insisté sur ce point et qu’il ait négligé les occurrences du Virgile travesti, signalées pourtant par Leonard T. Richardson, qui précèdent la Réponse.
Comme un autre cas intéressant, on peut citer le substantif féminin mazarinette au sens de “nièce de Mazarin”. Il n’est ni dans le FEW 6, 1, 564b, s.v. Mazarin ni dans le TLF ni dans la BHVF. Il se lit pourtant deux fois dans Le Passe-port, et l’Adieu de Mazarin daté de 1649. D’abord au vers 7 :

Adieu donc, pauvre Mazarin, […]
Adieu, l’oncle aux Mazarinettes, […]. ((Hubert Carrier, op. cit., p. 45, vers 1 et 7.))

Ensuite, dans la dernière phrase de la pièce :

Ainsi donc, par vos limonades, […]
Par les belles Mazarinettes, […]
Allez sans jamais revenir. ((Ibid., p. 55-57, vers 231, 239 et 258.))

Bien qu’Hubert Carrier ne dise rien sur ce mot, il ne s’agit pas d’un hapax puisqu’il se retrouve dans d’autres mazarinades ; ((Voir par exemple Ambassade burlesque des filles de joye au Cardinal, qu’on peut lire sur le site internet des Recherches internationales sur les Mazarinades : M0_65 (C_2_4), 1649, p. 4a : “[…] Ny Singes, ny Marionettes, / Ny mesme les Mazarinettes […].”)) il méritera d’être enregistré dans les dictionnaires comme un des dérivés de Mazarin.
Parmi les pièces dont l’attribution à Scarron est possible, la Relation burlesque véritable de tout ce qui s’est passé dans la Fronde de Paris jusques à présent (1651) contient au moins quatre attestations historiquement intéressantes. Il s’agit d’abord de la locution verbale prendre quelqu’un sans mitaine au sens de “prendre quelqu’un à l’improviste”. Elle se lit au vers 79 de cette mazarinade :

Il dient : vrayment le Mazarin
Estoit encor un bon Faquin
De vouloir prendre sans mitaine
Ce grand Mareschal de Thurenne. ((Hubert Carrier, op. cit., p. 118, vers 77-80.))

Dans la note 25 de la page 118, Hubert Carrier explique la locution en citant le Dictionnaire de Furetière. Ni le TLF, s.v. mitaine ni la BHVF n’enregistrent l’expression. Si l’on consulte pourtant le FEW 6, 2, 177b, s.v. mit-, on voit que c’est une locution ayant une vie très courte. En effet, il lui donne la datation suivante : prendre qn sans mitaines “à l’improviste” (Rich 1680-Trév 1752). L’occurrence de la mazarinade datée de 1651 constitue donc la 1re attestation qui permet d’élargir un peu la fourchette chronologique. N’est-ce pas ce point-là qu’il fallait expliciter dans la note sur le texte ?
Une autre locution qu’on rencontre dans la même mazarinade est traitée de la même façon. C’est la locution verbale faire rôtie au sens de “manger ou boire avec avidité”. Elle se lit au vers 14 de la Relation burlesque :

Mais las ! depuis le fatal jour
Qu’elle [= vostre Eminence] fit gille de la Cour,
J’ay tousjours esté en detresse
Et suis presque mort de tristesse ;
Sans quoy vous sçauriez, Monseigneur,
Il y a longtemps mon crevecoeur,
Et que depuis vostre sortie
Au diable si j’ay fait rotye
Ny si j’ay dormy que la nuict,
Dont je n’ay pas peu de despit. ((Ibid., p. 115, vers 7-16.))

L’éditeur ((Voir la note 5 de la même page 115.)) se borne ici aussi à citer Furetière pour expliquer l’expression et il ne s’intéresse pas à son histoire. Ni le TLF, s.v. rôtie ni la BHVF ne nous aident en rien parce qu’ils ne connaissent pas cette locution. Mais si l’on se reporte au FEW 16, 683b, s.v. *raustjan, il cite frm. faire des rôties de qch “manger ou boire (de qch) avec avidité” (Fur 1690-Lar 1875). On voit ainsi que notre attestation de 1651 antidate le FEW.
Le 3e cas remarquable semble avoir un caractère régional. Il s’agit du verbe transitif ébalourdir au sens de “abasourdir”. Il se trouve au vers 215 de la même Relation burlesque :

Voila l’estat de toute chose,
Certes grande metamorphose
Dont plusieurs sont moult estourdis,
Alio modo ébalourdis. ((Hubert Carrier, op. cit., p. 124, vers 212-215.))

Dans la note 69 de la page 124, Hubert Carrier considère le mot comme création d’auteur. Il manque certes au TLF comme à la BHVF. Mais si l’on consulte le FEW 5, 467b, s.v. luridus, on y trouve des attestations dialectales modernes du type ébalourdir dans le sud (Die, partie centrale du Dauphiné, Queyras, Saintonges, Bresse louhannaise, Provence, Limousin). Serait-il impossible que Scarron se soit servi d’un mot régional en raison de son caractère expressif ? Si mon interprétation est bonne, on a affaire à une 1re attestation de ce type.
Le 4e cas intéressant que nous fournit la Relation burlesque est un archaïsme. C’est la locution verbale donner sur la fripperie de quelqu’un au sens de “médire de quelqu’un”, qu’on lit au vers 88.

[…] Voila comment la raillerie
Donne sur vostre fripperie ; […]. ((Ibid., p. 118-119, vers 87-88.))

L’éditeur cite le Dictionnaire de Furetière dans sa note 28 de la page 119, mais Furetière ne parle que de l’expression se jeter sur la friperie de quelqu’un. Le verbe donner n’y est pas employé. Sur la locution qu’on lit dans notre contexte, il faut renvoyer plutôt au FEW 3, 396a, s.v. faluppa, qui cite mfr. donner sur la friperie de quelqu’un “médire de quelqu’un” (fin 16e s., Gdf ; Brantôme). La 1ère référence du FEW désigne le Complément du Dictionnaire de Godefroy, t. 9, p. 662b, s.v. freperie, où l’on trouve un document de 1592. ((Il s’agit de la Lettre du sieur Desportes, resident à Rome pour le duc de Mayenne, au sieur Desportes secretaire d’estat, son cousin, datée du 7 novembre 1592, publiée par Michel Félibien, Histoire de la ville de Paris, t. 3, Contenant le premier volume des pièces justificatives, Paris, Desprez et Desessartz, 1725, p. 805a (je complète la citation de Godefroy d’après sa source) : “N’abusons point le maistre, et luy qu’il se decille les yeulx, et se leve de la fantaisie de penser estre exempt de coulpe en donnant sur la friperie d’autruy ; il est partout en si mauvais nom que j’en ay honte.”)) La 2e attestation provient des Vies des grands capitaines estrangers. ((Voir les Œuvres complètes de Pierre de Bourdeille, seigneur de Brantôme, publiées par Ludovic Lalanne, t. 1, Paris, Renouard, 1864, p. 24 : “Sur quoy nos farceurs et brocquardeurs françois, pour avoir revanche des mocqueurs et oguineurs (comme j’ay dict), mesmes ceux d’Arras, qui donnoient souvant sur la fripperie de nos roys François premier et Henry II, firent ceste ryme pour joyeuse rencontre, et badine pourtant : […].”)) L’occurrence de la Relation de 1651 peut ainsi être ajoutée à ces deux témoins anciens.
Profitons de l’occasion pour signaler que, comme nous l’apprend le Lexique de Leonard T. Richardson, ((Leonard T. Richardson, op. cit., p. 124.)) la même locution est utilisée par Scarron dans une Épitre de 1650, avec la préposition dessus. ((Maurice Cauchie, op. cit., t. 1, p. 512, vers 17-22 : “[…] Et tu pouvois, sans lasser ton credit, / Ne croire pas sur un simple l’on-dit / Que j’ay donné dessus la fripperie / De ce **** apres lequel on crie, / Et sur lequel toujours on donnera / Tant que la guerre à la Muze il fera.”)) Cette occurrence aussi méritera d’être ajoutée aux dictionnaires.

* * *

Par rapport aux commentaires d’Hubert Carrier, les notes lexicales de Maurice Cauchie sont encore plus décevantes. Bien que les quatre mazarinades d’attribution certaine qu’il publie ((Voir la note 2, ci-dessus.)) contiennent des mots remarquables, il ne les a pas soulignés suffisamment. De plus, comme le Lexique de Leonard T. Richardson ne les avait pas dépouillées avec soin, les lexicographes n’ont pas pu tirer profit de ces témoins précieux.
Prenons comme exemple le participe passé détesticulé au sens de “qui a perdu ses testicules”. Le mot se lit au vers 120 de La Mazarinade qu’on peut dater de 1651 :

Et lors, ô Cardinal pelé,
Cardinal detesticulé,
N’estant plus ny femme ny homme,
Comment paroistras-tu dans Rome,
Mutilé du fatal boudin
Qui t’a fait Prince, de gredin ? ((Maurice Cauchie, op. cit., t. 2, p. 21, vers 119-124.))

Cet hapax n’a pas été recueilli par Leonard T. Richardson dans son Lexique. Par conséquent, il est ignoré par le FEW 13, 1, 284a, s.v. testiculus. Il est également absent du TLF comme de la BHVF.
Il en va de même des substantifs filocabron et filocabre au sens de “pédéraste” qui se trouvent au vers 110 de La Mazarinade :

[…] Va, va t’en, gredin de Calabre,
Filocabron ou filocabre ; […]. ((Ibid., p. 20, vers 109-110.))

Dans sa note, Maurice Cauchie souligne qu’on a affaire à “une nouvelle allusion à la double pédérastie de Mazarin” parce que cabron et cabra signifient en espagnol “bouc” et “chèvre”. Ces deux mots, négligés par Leonard T. Richardson et ignorés par le TLF et la BHVF, peuvent être ajoutés au FEW 8, 383a, s.v. philos.
Le substantif masculin masturpateur au sens de “celui qui se masturbe” est aussi un hapax. Il se lit au vers 362 de La Mazarinade :

[…] Bougre venant en droite ligne
D’Onam, masturpateur insigne, […]. ((Ibid., p. 33, vers 361-362.))

Ce mot est ignoré par le Lexique de Leonard T. Richardson comme par les dictionnaires. La BHVF, Le TLF, s.v. masturbateur et le FEW 6, 1, 462b, s.v. masturbari ne connaissent que la forme masturbateur.
Dans le même domaine sémantique que les termes précédents, on peut relever le substantif aqueduc au sens de “membre viril”. Il se lit au vers 48 de La Mazarinade :

Comparable qu’en aqueduc.
Illustre en ta partie honteuse,
Ta seule braguette est fameuse ; […]. ((Ibid., p. 17, vers 47-50.))

Maurice Cauchie avouait dans sa note qu’il n’avait trouvé cet emploi dans aucun dictionnaire contemporain. Leonard T. Richardson a passé sous silence cette occurrence dans son Lexique. C’est Hubert Carrier qui propose une interprétation plausible en disant que “l’aqueduc désigne ce qu’il y a dans la braguette”. ((Hubert Carrier, op. cit., p. 87, note 8.)) Ce sens qui ne semble pas être connu ailleurs peut être ajouté au FEW 25, 68b, s.v. aquaeductus.
On peut relever aussi une 1ère attestation. C’est le cas de la locution verbale prendre un rat au sens de “ne pas réussir”, qui est attestée depuis Richelet 1680 selon le FEW 10, 125b, s.v. ratt-. L’occurrence qu’on lit au vers 43 de La Mazarinade est donc sa 1ère attestation. Voici le contexte :

[…] Tous tes desseins prennent un rat
Dans la moindre affaire d’Estat. ((Maurice Cauchie, op. cit., t. 2, p. 17, vers 43-44.))

La note 1 de la page 17 de Maurice Cauchie ne fait que citer Furetière, sans se poser la question de savoir quelle place occupe cette occurrence dans l’histoire du français. On peut regretter que Leonard T. Richardson ne se donnât pas la peine de l’examiner. ((Voir Leonard T. Richardson, op. cit., p. 234, s.v. rat.))
Sans être les premières attestations, on trouve des occurrences précieuses en raison de leur caractère précoce. Citons entre autres l’adjectif raquedenaze au sens d’ “avare”. Il se lit au vers 74 de La Mazarinade :

[…] Pour avoir, dis-je, envers Pegaze
Esté par trop raquedenaze,
N’en as-tu pas bien dans le cu ? ((Maurice Cauchie, op. cit., t. 2, p. 18, vers 73-75.))

Le mot n’a pas été relevé dans le Lexique de Leonard T. Richardson, et par conséquent cette attestation n’est pas passée dans le FEW, mais celui-ci l’enregistre d’après d’autres sources. En effet, le FEW 10, 82a, s.v. *rasclare cite mfr. frm. racledenare “avare” (1579 – Oud 1660), raquedenare (1585 – ca. 1670, Chol ; Gdf ; Li ; OudC 1640), dauph. id. Ch, frm. raquedenaze (SorelFr 3, 58 ; Wid 1669). Ainsi, l’occurrence de La Mazarinade peut y être ajoutée comme 2e attestation de la forme raquedenaze après l’Histoire comique de Francion de Charles Sorel. Il serait difficile de se rendre compte de l’importance de cette attestation si l’on consultait seulement la note de Maurice Cauchie ((Voir ibid., note 4.)) qui n’a fait que renvoyer à Furetière, ou la simple traduction donnée par Hubert Carrier qui cite le passage. ((Voir Hubert Carrier, op. cit., p. 87, note 10.))
Dans le passage cité de La Mazarinade, on peut relever aussi la locution verbale en avoir dans le cul au sens de “faire une grande perte”. Elle n’est ni dans le TLF ni dans la BHVF, mais selon le FEW 2, 1508b, s.v. culus, elle est attestée depuis “Scarron 1648.” jusqu’au Dictionnaire de l’Académie française de 1798. La 1ère date correspond sans doute au vers 1518 du Livre II du Virgile travesti (1648) que le Lexique ((Voir Leonard T. Richardson, op. cit., p. 72.)) de Leonard T. Richardson a enregistré sans explication. ((Voir Jean Serroy, op. cit., p. 191, vers 1515-1520 : “Quelquefois le courage rentre / Au pauvre vaincu
dans le ventre, / Et le vainqueur par le vaincu / En a bien souvent dans le cul, / Ou bien dans quelque autre partie / Par le vainqueur mal garantie.”)) L’attestation de La Mazarinade datée de 1651 peut être ajoutée comme 2e dans le FEW.
En ce qui concerne l’occurrence du substantif masculin priape au sens de “membre viril en érection” qu’on trouve au vers 332 de La Mazarinade, elle peut être considérée comme une 3e attestation. Voici le contexte :

[…] Ton priape, haut élevé
A la perche sur une gaule,
Dans la capitale de Gaule
Sera le jouet des laquais, […]. ((Maurice Cauchie, op. cit., t. 2, p. 31-32, vers 332-335.))

Les deux attestations anciennes datent de 1304, Placides et Timeo et 1515, Pierre Desrey selon le TLF, s.v. priape. Celui-ci ainsi que le FEW 9, 375b, s.v. Priapus nous apprennent que le mot ne réapparaît ensuite que depuis le Dictionnaire de Furetière de 1690. Ainsi, l’occurrence de La Mazarinade n’est pas à négliger.
Quant au verbe transitif désallier au sens de “séparer” qui apparaît au vers 322 de La Mazarinade, il peut être considéré comme archaïsme. Voici le contexte :

[…] Bougre, des bougres le majeur,
Des politiques le mineur,
Par qui la France est décriée,
De ses amis desalliée, […]. ((Ibid., p. 31, vers 319-322.))

Bien qu’il ne soit ni dans le Lexique de Leonard T. Richardson ni dans le TLF ni dans la BHVF, le verbe est enregistré dans le FEW 5, 327b, s.v. ligare : mfr. desallier v.a.r. “séparer, désunir” (1550-1590).
Un autre archaïsme est le verbe transitif désentrailler “enlever les entrailles à” qu’on lit au vers 329 de La Mazarinade :

[…] Ta carcasse des-entraillée,
Par la canaille tiraillée,
Ensanglantera le pavé ; […]. ((Ibid., vers 329-331.))

Le verbe est relevé dans le FEW 4, 750a, s.v. interanea, qui lui donne la datation de “1575 – Cotgr 1611.” avant une attestation isolée de 1863 ((Qu’il faut lire 1862, selon la BHVF.)) chez Théophile Gautier. L’occurrence de Scarron peut donc être ajoutée entre 1611 et 1863. On peut regretter que Leonard T. Richardson ne l’ait pas recueillie dans son Lexique.
La pièce intitulée Cent quatre vers contre ceux qui font passer leurs libelles diffamatoires sous le nom d’autruy (1651) contient trois noms d’animaux employés comme désignations d’auteurs malhabiles de placarts. Voici le contexte :

Mes vers à vos Placarts servent de Passe-port :
Ils s’en veulent vanger, Grenouilles enrouées,
[…].
Vos deplorables chants, Rossignols de la Greve,
Opposez à mes vers, tous malheureux qu’ils sont,
Decouvriront bien tost la bassesse qu’ils ont,
[…].
Ne pretendez donc plus, par vos chansons malignes,
Malencontreux Hiboux, vous eriger en Cygnes, […]. ((Ibid., p. 35 et 37, vers 8-9, 42-44 et 49-50.))

Ni le TLF, s.v. grenouille ni la BHVF, s.v. grenouille ni le FEW 10, 59a, s.v. *ranucula ne connaissent cet emploi. Le syntagme rossignol de la Grève, qui semble être fondé sur le rossignol de marais au sens de “grenouille” (1611-1675) qu’enregistre le FEW 5, 472a, s.v. *lusciniolus, pourrait aussi être ajouté à ce dictionnaire comme emploi figuré. Le TLF, s.v. rossignol et la BHVF, s.v. rossignol ne nous fournissent pas d’emploi comparable. La manière dont Scarron se sert du substantif hibou en comparant son chant avec celui du cygne est aussi absente des dictionnaires ; on l’ajoutera au FEW 21, 238a.
Dans les Réflexions politiques et morales tant sur la France que sur l’Amérique (1652), on peut aussi relever plusieurs attestations intéressantes.
Le substantif masculin pantalon au sens de “personnage bouffonnement hypocrite” est daté de “1679, Cardinal de Retz, Mém., éd. A. Feillet, t. 2, p. 62.” par le TLF, s.v. pantalon. Cette attestation qui provient de Littré se retrouve dans une publication récente, selon laquelle elle peut être datée de 1677. ((Voir Marie-Thérèse Hipp et Michel Pernot (éd.), Cardinal de Retz, Œuvres, Paris, Gallimard, 1984, Bibliothèque de la Pléiade, p. 237 : “[…] qu’il me coula ces paroles dans l’oreille : “Ce n’est là qu’un pantalon”.” Selon les éditeurs, la composition des Mémoires est datée de 1677 (voir p. 1206).)) Or le mot est employé dans le même sens un peu plus tôt par Scarron dans ses Réflexions. Il se lit au vers 41 :

[…] Ce damoisel à deux envers,
Aussi sot d’un costé que d’autre,
Ce prelat pantalon, ce ministre mollet. ((Maurice Cauchie, op. cit., t. 2, p. 49, vers 39-41.))

Ce vers, qui semble jouer aussi sur un autre sens du pantalon “caleçon ou haut-de-chausses qui est tout d’une pièce avec les bas” ((Voir le FEW 7, 565a, s.v. Pantalon ; le TLF, s.v. pantalon.)) et un double sens de mollet, adjectif “qui manque de fermeté dans le caractère” et substantif masculin “saillie que font les muscles à la partie postérieure de la jambe”, ((Voir le FEW 6, 3, 50b et 54b, s.v. mollis ; le TLF, s.v. mollet-1 et mollet-2.)) constitue ainsi une attestation précoce ((Mais sans doute non pas la 1ère, si dans l’occurrence de 1605 : “pantalons d’Austriche” que cite la BHVF le mot a le même sens.)) du substantif pantalon au sens figuré.
L’expression gueux comme un rat “très pauvre” se lit au vers 104 des Réflexions. Voici le contexte :

Mais qu’homme né gueux comme un rat
Et depuis larron comme un chat
Puisse gouverner ton Royaume ! ((Maurice Cauchie, op. cit., t. 2, p. 51, vers 104-106.))

C’est la 1ère attestation de l’expression. Elle a été relevée dans la BHVF comme occurrence qui précède celle de 1668, Molière enregistrée par le FEW 10, 121b, s.v. ratt-.
Quant à l’expression larron comme un chat qui se lit au vers 105 dans le contexte cité, elle ne semble pas être attestée ailleurs. Ni le FEW 2, 515a, s.v. cattus ni 5, 201a, s.v. latro ne la connaissent. Le TLF, s.v. chat et larron non plus. Elle pourra être rapprochée de l’expression voleur comme un chat, qu’on lit dans plusieurs textes beaucoup plus tardifs. ((Voir par exemple Pierre Boitard, Le Jardin des plantes. Description et moeurs des mammifères de la Ménagerie et du Muséum d’histoire naturelle, Paris, Dubochet 1842, p. 152, description du coati-mondi : “Ajoutez à cela qu’il est d’une méfiance extrême, qu’il a la singulière habitude d’aller flairer les excréments qu’il vient de faire, qu’il exhale une odeur forte et désagréable, qu’il est voleur comme un chat, et s’empare délibérément de tout ce qui est à sa convenance, sans qu’aucune correction puisse l’en empêcher ni le corriger de ses défauts, et vous aurez le portrait peu flatteur, mais vrai, d’un commensal nullement aimable.”))
Le substantif masculin mazarinisme au sens de “politique de Mazarin” se lit au vers 166 des Réflexions. Voici le contexte :

Quand tu vois, en gros & détail,
Le Mazarinisme qui dure,
Tu maudis Mazarin & le jour qu’il fut né, […]. ((Maurice Cauchie, op. cit., t. 2, p. 54, vers 165-167.))

Ce mot est daté de “1651, Retz ; ‘hist.’ depuis Boiste 1829.” par le FEW 6, 1, 564b, s.v. Mazarin. En effet, il apparaît dans trois pamphlets que le Cardinal de Retz a publiés en 1651, à savoir l’Avis désintéressé sur la conduite de Monseigneur le Coadjuteur, le Discours libre et véritable sur la conduite de Monseigneur le Prince et de Monseigneur le Coadjuteur et la Réponse du Curé à la lettre du Marguillier sur la conduite de Monseigneur le coadjuteur. ((Voir Myriam Tsimbidy (éd.), Cardinal de Retz, Pamphlets, Paris, Éditions du Sandre, 2010, p. 64, 78 et 100. Cette publication manque aussi de glossaire.)) Notre occurrence de 1652 se place ainsi en deuxième position.
Le substantif (masculin ou féminin) amaca “hamac” qu’on lit au vers 174 des Réflexions mérite d’être ajouté au FEW 20, 67b, s.v. hamaca. Voici le contexte :

[…] Je vais galantiser les filles des Incas
Et dormir en des amacas. ((Maurice Cauchie, op. cit., t. 2, p. 54, vers 173-174.))

Ce n’est pas une 1ère attestation (voir le TLF, s.v. hamac pour des attestations antérieures), mais une 2e pour la graphie amaca, car le FEW ne donne qu’une occurrence de 1617 pour cette dernière forme.
Quant au verbe transitif galantiser “courtiser” qu’on lit dans le passage cité, cette attestation antidate certes le FEW 17, 476b, s.v. wala qui ne le connaît que depuis 1671, mais le TLF, s.v. galantiser donne comme 1ère date 1637, Pierre Corneille, Galerie, II, 1 d’après Littré. On peut signaler qu’il existe une attestation un peu plus ancienne dans Mélite (1633) du même Corneille. ((Voir Georges Couton (éd.), Corneille, Œuvres complètes, t. 1, Paris, Gallimard, 1980, Bibliothèque de la Pléiade, p. 12, vers 90 : “S’il advient qu’à ses yeux quelqu’un la galantise : […].”))
Sur les trente strophes des Triolets de la Cour (1649), Hubert Carrier considère qu’ “au moins vint-sept, et plus probablement vingt-neuf [c’est-à-dire sauf la dernière strophe]” peuvent être attribuées à Scarron. ((Voir Hubert Carrier, op. cit., p. 32.))
On peut en tirer quelques attestations intéressantes. Par exemple, le substantif féminin lamponerie au sens d’ “ivresse” est un hapax. Voici le contexte :

[…] Et vos envieux d’accord sont
Que, depuis la lamponerie,
Brave Mareschal de Grammont,
Vostre gloire est bien refleurie. ((Maurice Cauchie, op. cit., t. 1, p. 425, vers 101-104.))

D’après le sens de “ivrogne” qu’on peut attribuer à l’occurrence du substantif masculin lampon chez Tallemant, ((Voir ibid., note 1.)) le substantif féminin lamponerie semble signifier “ivresse”. Ce mot qui manque au TLF et à la BHVF est à ajouter au FEW 5, 175a, s.v. *lappare.
La locution verbale plier son paquet au sens de “s’en aller furtivement” qu’on lit au vers 225 mérite également d’attirer notre attention. Voici le contexte :

Mazarin, plie ton pacquet,
Car nostre Reine est tres sage : […]. ((Ibid., p. 431, vers 225-226.))

La locution manque au TLF, s.v. paquet et à la BHVF, mais elle est enregistrée dans le FEW 16, 614a, s.v. pak ; elle y est datée de “OudC 1640 ; Oud 1660 ; Ac 1798-1878.” L’occurrence des Triolets de la Cour peut y être ajoutée comme 2e attestation.
Avant de terminer, jetons un coup d’oeil sur le syntagme la malle peste, qui est employé comme interjection pour exprimer de l’indignation au vers 14 des Triolets de la Cour. Voici le contexte :

Tout le monde s’en va disant :
“La malle-peste ! qu’il est rude !” ((Ibid., p. 421, vers 13-14.))

Le TLF, s.v. malepeste qui ne relève pas les occurrences avec l’article ne nous est pas utile. La BHVF ne nous sert pas non plus. Mais cet emploi est affectionné par Scarron comme nous l’apprend le FEW 8, 311a, qui enregistre frm. la malepeste “interjection, marque de dépit, d’étonnement” (1644 – ca. 1697, Scarr ; DG). Les sources du FEW semblent être d’un côté Littré, s.v. malepeste qui cite deux passages de Scarron, à savoir Le Virgile travesti, Livre I (1648) : “La male peste, quel visage !” ((Jean Serroy, op. cit., p. 99, Livre I, vers 1076.)) et Les Poésies diverses, c’est-à-dire Épistre chagrine (1652) : “La malle peste soit du sot.” ((Maurice Cauchie, op. cit., t. 2, p. 62, vers 152. Ce vers est cité aussi par le Dictionnaire Général d’Adolphe Hatzfeld, Arsène Darmesteter et Antoine Thomas, Paris, 1890-1900, s.v. malepeste.)), et de l’autre le Lexique de Leonard T. Richardson qui ajoute une autre attestation du Livre I du Virgile travesti : “La male peste soit la bête !” ((Jean Serroy, op. cit., p. 105, Livre I, vers 1291.)) D’où vient la date de 1644 ? Bien que ni Littré ni Richardson ne la citent, elle semble se référer à la pièce de 1644 intitulée À Mademoiselle. Élégie. Voici le contexte :

Alors je dis : “La male-peste !
C’est icy vision celeste
Qui nous vient éblouir ceans : […].” ((Maurice Cauchie, op. cit., t. 1, p. 219, vers 51-53.))

Même si ces occurrences sont précédées par une attestation de 1610 comme nous l’apprend Pierre Enckell, ((Voir Pierre Enckell, Dictionnaire des jurons, Paris, Presses Universitaires de France, 2004, p. 330a.)) elles permettront de préciser ce à quoi se réfèrent les dates du FEW.

Les mazarinades attribuées à Paul Scarron contiennent ainsi de nombreuses attestations précieuses et elles méritent donc d’être examinées attentivement. Pour cela, une utilisation critique du FEW sera indispensable. C’est une évidence pour les lexicographes, mais le fait ne semble pas être partagé par tous les littéraires. ((Je remercie Madame Miyuki Sato de sa relecture soigneuse.))

Cet article a initialement été publié dans
la revue universitaire Fracas, n° 13, le 2 nov. 2014. ((Le Groupe de recherche sur la langue et la littérature FRAnçaises du Centre et d’AilleurS, dirigé par le professeur Matsumura, publie les travaux de ses membres sans régularité particulière ; contact : revuefracas2014 [at] gmail.com.))

Sur quelques mazarinades attribuées à Paul Scarron : remarques lexicographiques