Ce document est la partie 19 de l’édition des Pamphlets du cardinal de Retz procurée par Myriam Tsimbidy (Paris, Éditions du Sandre, [2009], p. 176-181, notes p. 394-396) dont nous avions rendu compte en mars 2010 ; publié ici sur la proposition de Mme Tsimbidy et avec l’accord de son éditeur, en lien avec l’édition en ligne de la pièce dans le corpus RIM (accessible aux membres inscrits), sous la référence [M0_1725_To_B_6_41] : voir images des pages 1, 3, 4, 5, 6, 7.

*

Notice

La Suite véritable des Intrigues de la paix a été écrite après le 19 août comme l’indique l’évocation de la date de la mort du duc de Bouillon et du départ de Mazarin. ((Cf. ce pamphlet p. 6 et 7.)) Le libelliste poursuit les accusations formulées dans les Intrigues de la paix et continue à prouver la trahison de Condé. Il se révèle très bien informé – ou du moins arrive à en créer l’impression – en livrant les noms des agents de Condé et de ses fidèles pour dévoiler leurs manœuvres politiques. Si Condé a fait nommer le duc d’Orléans à la lieutenance de l’Etat et Beaufort au gouvernement de la ville, c’est pour obtenir du ministre des avantages : “Monsieur le Prince s’imagine […] que plus il échauffera les affaires, plus il rendra le cardinal flexible à ses demandes”. Si Mazarin annonce son éloignement, c’est pour laisser croire à Condé que seul le parlement de Pontoise, c’est-à-dire les parlementaires fidèles au roi, l’aurait influencé. Pour Retz, il s’agit d’un prétexte, d’une “contre-ruse” du ministre, destinée à préserver les apparences et à ne pas avoir l’air de céder aux exigences du prince.

La réponse est immédiate mais peu efficace. La défense de Monsieur le Prince contre le libelle intitulé: la suite des Intrigues de Monsieur le Prince à la cour est publiée “deux jours après”. ((La défense de Monsieur le Prince contre le libelle intitulé : la Suite des Intrigues de Monsieur le Prince à la cour, s.n., 1652, Paris, Jacques le Gentil, 8 p., [M0_986], Mazarine : cote M 12762.)) Sans identifier directement l’auteur de la Suite, elle soupçonne Retz de chercher à discréditer tant le parti du prince que celui de Mazarin, afin d’en créer un à sa dévotion.

“Enfin, si nous croyons l’auteur de la suite des intrigues (quoi qu’il se déclare être homme très pacifique) la France n’est pas encore assez divisée, c’est peu que de deux partis pour la ruiner, il en faut un tiers qui sera nommé celui des neutres, duquel il exhorte la ville de Paris à se venger à l’exemple, dit-il, des meilleures Villes de France, tant la peur que Monsieur le Prince, ou le cardinal lui fassent porter la peine de ses neutralités criminelles, et de ses fourbes ordinaires.” ((Ibid., p. 8.))

Un tiers parti ? Ce serait, pour reprendre un terme de la Ligue, celui des “politiques”, désireux d’éviter les maux de la guerre civile et de contribuer au rétablissement de l’ordre (non sans en être les bénéficiaires). Les dévoilements de la Suite des Intrigues seraient, selon les condéens, des artifices cachant d’autres manœuvres. Retz, en janvier 1652, proposait effectivement au duc d’Orléans de créer un tiers parti, mais fin août, les circonstances ont changé : Mazarin a quitté la cour, le parti de Condé est affaibli. Retz commence à songer à se rendre à Compiègne pour demander le retour du roi… et recevoir la barrette cardinalice, ce qu’il fera le 10 septembre. Comment espérer vaincre ses adversaires, sinon en tenant le rôle de gardien de la paix.? Il se voudrait l’un de ses principaux acteurs, d’où les conseils prodigués aux Parisiens de “secouer le joug de Monsieur le Prince” et “d’empêcher qu’à l’avenir ni le Cardinal Mazarin ni le prince de Condé ne fassent plus d’insulte à la vie, à la fortune et à la liberté de ses Citoyens”.

Suite véritable des Intrigues de la Paix et des négociations de Monsieur le Prince à la Cour jusques à présent ((Ce libelle fait suite du pamphlet intitulé Les Intrigues de la paix et les négociations faites à la Cour par les amis de monsieur le Prince, depuis sa retraite en Guyenne jusques à présent, s.l., 1652, [M0_1725] Mazarine : cote M 13101 (cf. Pamphlets, n° 15, pp. 139-146).))

Quelque temps après la retraite de Monsieur de Lorraine, ((Négociée avec la Cour, la retraite de Charles IV, duc de Lorraine eut lieu le 16 juin 1652.)) le public fut assez persuadé des Traités de Monsieur le Prince ; les voyages de Gaucourt n’étaient plus cachés à personne ; les commerces perpétuels de Madame de Châtillon et de Chavigny n’étaient plus ignorés ; les intelligences secrètes avec le Duc de Bouillon ((Frédéric-Maurice de La Tour d’Auvergne (1605-1652), duc de Bouillon, qui avait embrassé le parti des princes lors de leur prison avant de mener une politique personnelle qui le conduit aux portes du pouvoir à la veille de sa mort.)) commençaient de paraître, et il n’y avait plus lieu de douter que l’on eût laissé dépérir l’Armée sous l’espérance des avantages promis par le Traité. ((Les condéens estiment au contraire que ce raisonnement ne tient pas : “pourquoi laisser dépérir l’armée qui au contraire donnait plus de crédit à Monsieur le Prince et d’autorité pour obliger le Mazarin à l’exécution d’icelui ?” (Les voies de la paix, Paris, 1652, [M0_4052], 24 p., Mazarine : cote M 12411, p. 7).))

Monsieur le Duc d’Orléans, à l’insu duquel tous ces commerces étaient commencés, ne douta quasi plus des avis qui lui étaient donnés de toutes parts sur les négociations de Monsieur le Prince. Quelque grands que fussent les efforts que l’on fit lors sur lui, en lui donnant des appréhensions continuelles, tant sur le mauvais état des affaires et le peu de ressource du Parti que sur les séditions que l’on excitait journellement dans la Ville, il ne laissa pas de se défendre avec vigueur des sollicitations importunes que lui faisaient de toutes parts les émissaires de Monsieur le Prince dont il était environné. L’on peut aisément se souvenir qu’il refusa lors généreusement la signature d’un Traité qui lui fut présenté par Monsieur le Prince, parce qu’il le jugea trop désavantageux au public, et que l’on voulait exiger de lui des assurances sur le retour du Cardinal Mazarin. ((Le 12 août 1652, le roi déclare qu’il consent au départ de Mazarin. Le 19, le ministre se retire à Bouillon. Ces “assurances sur le retour” laissent supposer que Mazarin n’est pas encore parti et que les négociations sont simplement engagées.))

Ce refus, qui fut incontinent su à la Cour, y rompit pour quelque temps une partie des mesures de Mr le Prince. Le Cardinal Mazarin, auquel on avait toujours fait espérer de vaincre Monsieur, ne voulut pas se commettre entièrement à la bonne foi de Monsieur le Prince, nonobstant les assurances que lui donnaient ses Négociateurs qu’une seconde tentative auprès de son Altesse Royale aurait plus de succès et qu’en tout cas Monsieur le Prince s’engagerait absolument dans les intérêts de la Cour. Il crut qu’il lui serait plus utile de réduire le choses dans le point de la nécessité, et qu’une entreprise sur les Troupes qui étaient lors postées à S[aint]-Cloud ayant réussi, il trouverait dans l’esprit de Monsieur, avec le secours de Monsieur le Prince, plus de disposition pour les choses qu’il attendait de lui. [p. 4]

Ce fut dans ce dessein qu’on ((Turenne.)) fit construire un Pont de bateaux à Epinay pour y faire passer les Troupes du Roi. Quelques-uns croyaient que Monsieur le Prince pouvait prendre le parti de leur disputer le passage, et qu’en tout cas son Armée aurait une retraite plus prompte et plus facile dans le Faubourg S[aint]-Germain que du côté de S[aint]-Antoine. Il hasarda néanmoins, à la vue de l’Armée ennemie, de vouloir gagner le poste de Charenton. Je passe en cet endroit les soupçons de ceux qui voyant une démarche si extraordinaire crurent que Monsieur le Prince avait entrepris cette action de concert avec la Cour, étant impossible que l’Armée opposée ne lui tombât sur les bras dans sa marche. Ce que fit le lendemain Monsieur le Prince, à la vue de tout Paris, fit bien connaître qu’il n’avait pas le dessein de sacrifier entièrement ses Troupes, dans l’état incertain où étaient ses affaires. Mais ce qu’il a fait depuis doit assez nous convaincre, qu’il ne considéra l’action du Faubourg S[aint]-Antoine et ne se prévalut du passage des Troupes dans Paris que pour se rendre plus considérable à la Cour, et pour y hâter par là l’exécution des avantages qui lui étaient promis. ((Le 2 juillet 1652, Mademoiselle, la fille du duc d’Orléans, avait fait ouvrir la porte Saint-Antoine à l’armée de Condé et tirer les canons contre les troupes royales commandées par le maréchal de La Ferté. Les voies de la paix contestent l’affirmation retzienne, “parce qu’il aurait fallu que Monsieur le Prince, qui n’avait qu’une poignée de gens contre une grande armée bien aguerrie, eût été invulnérable, et eût eu des relations du gain de la bataille, pour affronter tant de périls et la mort même, et en faire un sujet de fortune, comme si c’était un Argoulet et un soldat d’aventure” (Les voies de la paix, Paris, 1652, [M0_4052], 24 p., Mazarine : cote M 12411, p. 11).))

Monsieur de Bouillon qui veillait toujours soigneusement aux intérêts de Monsieur le Prince prit aussi cette occasion pour remontrer au Cardinal de quelle importance il lui était d’achever ses affaires avec Monsieur le Prince, sans attendre même la signature de Monsieur d’Orléans pour son retour. Il l’assure que Monsieur le Prince est autant disposé de sa part qu’il était auparavant ce qui s’était passé à la porte S[aint]-Antoine ; il lui découvre que Gaucourt est caché chez lui pour attendre ses réponses et les porter à Monsieur le Prince ; mais le cardinal, nonobstant tout ce qu’on lui put dire, ne put abandonner ses premières résolutions, et il demeura ferme dans celle qu’il avait prise de ne rien achever sans quelques assurances de la part de son Altesse Royale.

Une des raisons pour lesquelles le Cardinal Mazarin en usa de la sorte était l’espérance que certains petits esprits emportés et peu connaissant ((Connaissants.)) le fonds des affaires lui donnaient de jour à autre d’une révolution dans la Ville qui lui pourrait être favorable. Monsieur de Bouillon reconnut incontinent, dans les fréquentes conversations qu’il avait avec le Cardinal, le sujet qui l’empêchait de s’abandonner entièrement aux volontés de Monsieur le Prince, duquel il le fit aussitôt avertir, et lui conseilla de se rendre si absolument maître de Paris ((Retz donne ces mêmes informations dans ses Mémoires : en précisant qu’il ne se rappelle pas si Condé lui a confirmé les propos de Bouillon qui lui aurait dit : “la cour ne songerait jamais sérieusement et de bonne foi à se raccommoder avec lui, jusques à ce qu’elle connût clairement qu’il fût effectivement maître de Paris” (Mémoires, p. 850).)) que le Cardinal ne pût à l’avenir conserver aucune pensée d’y revenir et de mettre à bout ses desseins que par son crédit et son aveu. [p. 5]

Voilà ce qui a fait prendre à Monsieur le Prince les résolutions dont nous avons vu peu après les effets si funestes dans l’incendie de l’Hôtel de Ville et dans l’égorgement de nos plus illustres Citoyens, ((Le 4 juillet.)) dont la mort qui doit être pleurée à tous les siècles ne se trouve pourtant jusques à présent vengée que par la punition d’un malheureux domestique de Monsieur le Prince, ((Un officier de cuisine selon Conrart (Conrart, Mémoires, Collection des Mémoires relatifs à l’histoire de France, Petitot éd., Paris, 1825, t. XLVIII, p. 135).)) quoiqu’il ait confessé à la potence qu’ils étaient plus de trente, tous conjurés et de la même maison.

Après cet assassinat, Monsieur le Prince paraissant à la Cour maître de la liberté publique, il en tira auprès du Cardinal tous les succès que lui et Monsieur de Bouillon s’en étaient imaginés. Les Traités recommencèrent avec autant de chaleur que jamais, et parce que Monsieur le Prince avait intérêt de les rendre un peu plus secrets, quoique le fonds de l’intelligence fût toujours le même, l’on substitue en la place de ceux dont les noms étaient trop connus, le marquis de Mortemart, ((Gabriel de Rochechouart (1600-1675), marquis de Mortemart. Louis XIV l’avait créé duc et pair en décembre 1650 mais il porte toujours le titre de marquis en 1652 parce que les troubles de la Fronde empêchaient le parlement d’enregistrer les lettres d’érection du duché ; elles ne le seront qu’en 1663 (Biographie Universelle, op. cit.).)) qui fut alors déclaré Plénipotentiaire de Monsieur le Prince.

Le Cardinal promet désormais d’être plus facile, parce qu’il croyait Monsieur le Prince maître absolu de toutes choses. Il avait vu succéder au feu de l’Hôtel de ville les pilleries épouvantables des Troupes de Monsieur le Prince dans les portes de Paris, il avait vu les moissons abattues, les villages désertés, et il ne croyait pas que tous ces désordres pussent être soufferts par une ville aussi puissante que Paris, sans qu’elle fût dans la dernière dépendance de Monsieur le Prince. S’il juge par cette raison que sa conservation est entièrement en ses mains, il rappelle les idées de leur premier Traité et ne pense plus désormais que la signature de Monsieur le Duc d’Orléans lui soit d’aucune conséquence pour son retour. La seule difficulté qui reste est sur le temps de l’exécution des conditions particulières qui avaient été accordées, pour lesquelles Monsieur le Prince ne veut aucune remise, parce qu’il se croit tout puissant, et sur lesquelles le Cardinal ne peut si promptement se résoudre, parce qu’il a toujours des soupçons très violents du peu de fidélité de Monsieur le Prince, croyant assurer beaucoup mieux son retour en différant jusques à ce temps-là l’exécution des avantages promis, qu’il sait être le sensible de Monsieur le Prince, qu’en se confiant entièrement à ses paroles.[p. 6]

Pendant l’agitation de ce différend, Monsieur le Prince s’imagine comme la première fois que plus il échauffera les affaires, plus il rendra le cardinal flexible à ses demandes. Dans ce dessein, il fait adroitement proposer à son Altesse Royale la Lieutenance générale, ((Alors que Retz reproche à Condé d’avoir proposé au duc d’Orléans cette lieutenance, les condéens accusent inversement Retz d’avoir donné un conseil similaire au duc d’Orléans.)) le changement du Gouvernement de la Ville, ((Le 6 juillet, le duc de Beaufort est nommé Gouverneur de Paris à la place du maréchal de l’Hospital.)) et les Taxes sur les Bourgeois, ((Le 29 juillet, une contribution de 800.000 livres est demandée aux Parisiens.)) comme une dernière démarche propre à vaincre, dans l’esprit du Cardinal, tous les obstacles qui lui étaient opposés. Quoique ces extrémités pussent être utiles, dans le fond, pour l’éloignement du Cardinal, il est aisé de juger qu’elles n’ont pas été prises par Monsieur le Prince pour ce dessein, puisque, outre qu’elles n’ont été suivies ni soutenues d’aucune exécution, ce qui était assez facile, l’on a bien connu dans le Parlement, lorsque Monsieur le Prince y a pris sa séance et que l’on a délibéré pour faire le fonds des cinquante mille écus, qu’il a fait tout [ce qu’il] a pu pour empêcher que ce fonds ne fût pris par préférence, sa pensée n’étant pas de hâter l’exécution de l’Arrêt de la tête à prix, mais seulement de tirer du Cardinal, par la peur et par la force et la considération du Parti, les avantages qu’il en espère. ((Les 20 et 24 juillet 1652, le parlement réitère l’arrêt du 29 décembre 1651 : la tête du ministre est mise à prix pour cinquante mille écus, le fonds résultant de la vente de ses meubles (Mémoires, p. 847).))

Cette intrigue et cette souplesse de Monsieur le Prince et de ses confidents n’a pas eu même succès dans l’esprit du Cardinal que les premières violences de l’Hôtel de Ville. Outre que la mort de Monsieur de Bouillon ((Le 9 août 1652.)) a donné quelque changement aux affaires de Monsieur le Prince dans le cabinet, le Cardinal n’a pu se résoudre de se mettre si absolument entre ses mains, et a toujours bien jugé qu’il y avait peu de sûreté à son retour, s’il ne différait l’exécution des conditions particulières dont il était demeuré d’accord.

Pour se défaire donc aucunement de l’empressement des Agents de Monsieur le Prince qui paraissaient ne vouloir achever aucune chose, si ce qui regardait les intérêts n’avait son effet dès le moment de sa sortie, il s’avise de faire publier tout d’un coup son éloignement, et tâche de persuader à Monsieur le Prince qu’il est prêt de faire sa retraite, et même sans aucun concert avec lui, feignant d’y avoir été porté par les négociations de ceux qui tiennent le Parlement à Pontoise. ((Louis XIV vient d’ordonner le 31 juillet le transfert du parlement de Paris à Pontoise, opposant ainsi les parlementaires fidèles aux factieux. Il siège depuis le 7 août 1652 sous la présidence de Mathieu Molé. Dès la première séance, le parlement demande au roi le départ de Mazarin (Cf. Michel Pernot, La Fronde, op.cit., pp. 311-312).))

Cette contre-ruse a admirablement bien réussi au Cardinal, et Monsieur le Prince a si fort appréhendé d’être privé des [p. 7] avantages qu’il espère de lui, que non seulement il n’a plus parlé du temps de l’exécution des choses qu’on lui a promises, mais même il s’est relâché sur aucuns ((Quelques-uns.)) des intérêts particuliers de ses amis. Quoique pour les contenter, il continue toujours en apparence ses négociations publiques par les mêmes voies, il en a depuis huit jours de plus intimes et de plus cachées. Aiselin ((Nous n’avons pu identifier ce personnage avec certitude, dont le nom est mentionné sans titre d’honneur. Il pourrait toutefois s’agir de Pierre Yvelin, médecin du roi, qui servira ensuite la duchesse d’Orléans et a inspiré à Molière le personnage de Filerin, dans l’Amour médecin, ou du Incelin, dont la comédie à machines est annulée en 1648 par l’effet de la jalousie de Mazarin contre le contrôleur général qui le protège (Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson, Chéruel édit., op. cit., t. I, p. 211.)) est celui qui porte et qui rapporte les paroles de confidence.

Aujourd’hui que le Cardinal s’est éloigné, ((Le 19 août, Mazarin quitte la cour pour se rendre à Bouillon.)) il ne faut pas douter que Monsieur le Prince et lui ne soient auparavant convenus de toutes choses ; que toutes les difficultés qui étaient entre eux n’aient été levées ; que Monsieur le Prince n’ait consenti d’attendre jusques à son retour l’exécution des avantages qui lui ont été accordés conformément à leur premier Traité, qui ne recevra aucun changement, si ce n’est que Monsieur le Prince ait oublié depuis ce temps les services considérables qui lui ont été rendus par aucuns ((Quelques-uns.)) de ceux qui y sont nommés. Je ne sais pas si Monsieur de Chavigny pourrait être de ce nombre ; mais je sais qu’il a fait un voyage à la Cour, et qu’il a ses Agents séparés, peut-être pour se distinguer du reste de la cabale, et peut-être aussi pour ajuster les conditions du mariage de son fils avec l’une des nièces du Cardinal Mazarin. ((Déjà évoqué dans Les Contretemps du sieur Chavigny (n° 13, p. 8) et les Intrigues de la paix (n° 15, p. 11), ce mariage entre le fils de Chavigny et une des nièces du cardinal n’a jamais eu lieu.)) Un Ecclésiastique de Paris qui a été à la Cour en dirait des nouvelles, s’il n’était pas obligé de garder le secret de la Confession.

Voilà dans la vérité jusques à ce jour ce qui s’est passé à la Cour par les intelligences de Monsieur le Prince. On ne peut pas dire à mon sens, qu’il soit cause de l’éloignement du Cardinal Mazarin, puisque ce n’est que pour le représenter au Peuple plus triomphant qu’auparavant, et que pour en tirer ses avantages. Si Paris est donc sage, il jouira paisiblement de la Paix, il prendra l’occasion de secouer le joug de Monsieur le Prince, il tâchera de se conserver à l’avenir dans une neutralité que toutes les grandes Villes ont si judicieusement affectée, et il renouvellera ses forces pour empêcher qu’à l’avenir ni le Cardinal Mazarin ni le prince de Condé ne fassent plus d’insulte à la vie, à la fortune et à la liberté de ses Citoyens. ((Son auteur en appelle ici au tiers parti ainsi que le relève la réponse condéenne : “Enfin, si nous croyons l’auteur de la suite des intrigues (quoi qu’il se déclare être homme très pacifique) la France n’est pas encore assez divisée, c’est peu que de deux partis pour la ruiner, il en faut un tiers qui sera nommé celui des neutres, duquel il exhorte la ville de Paris à se venger à l’exemple, dit-il, des meilleures Villes de France, tant la peur que Monsieur le Prince, ou le cardinal lui fassent porter la peine de ses neutralités criminelles, et de ses fourbes ordinaires” (La défense de Monsieur le Prince…, op. cit., p. 8). Une autre mazarinade considère que “la fin de ce malheureux écrit” est “une semence éternelle de guerre” puisque le libelliste en déclarant le salut dépendant “de l’union de tous et non d’une neutralité” invite à se battre contre Mazarin (Les voies de la paix, op. cit., pp. 9-11).))

FIN

[M0_1725] : Cardinal de Retz, “Suite véritable des Intrigues de la Paix et des négociations de Monsieur le Prince à la Cour jusques à présent” (1652) / édition de Myriam Tsimbidy (2010)

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *